Le football-marques est dégoûtant

Même si les Alsaciens sont épargnés depuis que le club-phare de la région, le Racing Club de Strasbourg est aux mains d’un ancien joueur du club, Marc Keller, ils ont cependant eux aussi connu les ravages du club-entreprise racheté par des gens qui ne connaissent rien au football (comme l’IMG de Patrick Proisy ou le financier londonien Jafar Hilali en leur temps), qui n’avaient aucun amour du club, de son territoire et de ses soutiens, mais étaient là uniquement pour des questions d’image de marque. Et qui ont laissé les comptes du club exsangues jusqu’à précipiter sa faillite et sa relégation dans les plus petites divisions régionales.

Le football-marchandise, le football-marque, ce produit de la société bourgeoise où tout est désacralisé et réduit à l’état fragile de marchandise, est abjecte.

Il place de la publicité partout au point que ce n’est plus le sport qui est financé par la publicité mais un simple prétexte à mettre de la publicité, inversant les valeurs et les proportions : non plus le monde le consommation qui vient se greffer au sport, mais le sport qui est englouti et noyé dans le monde de la consommation. Dans ce truc, les joueurs sont des marchandises supports à marques, les stades sont des supports à marques, les terrains sont des supports à marques, les noms de club sont des supports à marques, les noms de ligues sont des supports à marques, bref c’est un vaste catalogue publicitaire avec un ballon et un quelques gouttes de transpiration qui sent bon dessus.

Ce monde le marchandise prend des joueurs de n’importe où, les forme dans le seul but de les revendre plus chers, comme de vulgaires de prostitués qu’on habillerait de marques, à qui on apprendrait le métier et qu’on irait revendre à de riches saoudiens, oligarques russes ou qataris dans des clubs-marques plus prestigieux. Ces joueurs jouent pour n’importe quel club identique, sur n’importe quel territoire qu’ils ne connaissent pas et où ils ne sont que de manière transitoire. Les soutiens voient donc évoluer des jeunes esclaves modernes, souvent venus d’Afrique ou des pays de l’Est, comme leurs prostitués mises sur le trottoir aux abords de leur ville, dans une sorte de prostitution de luxe.

En même temps, les entrées dans les stades deviennent de plus en plus chers, et, comme à la boxe, on voit actuellement les tribunes blanchir et sur les terrains uniquement des pauvres, souvent de couleurs, qui jouent. Des blancs riches qui voient des pauvres noirs Africains, Maghrébins ou Slaves se salir le maillot, dans une ambiance de plus en plus familiale (comprendre aseptisée, abrutie de jeux stupides au service de la vente de marchandises, et croulant sous les écrans).

Romain Molina, journaliste indépendant et courageux qui s’intéresse aux coulisses du mensonge du football-marques, donne des examples précis de ce football sans avenir avec la Belgique ou la Suisse :

Le grand n’importe quoi du football belge, épisode 234 (9 avril 2020)
Football folklore : bienvenue en Suisse ! (23 juin 2020)

Puis, quand les marchands ont tout usé, tout détruit, tout essoré, que leurs clients-soutiens sont psychologiquement rincés et n’ont plus ou sous pour acheter quoi que ce soit de nourriture ou de maillots bourrés de publicités, leurs joueurs esclaves vendus, les comptes vidés, ils s’en vont détruire d’autres endroits comme des nuées de sauterelles avides et nourris à la société du spectacle, mais d’un spectacle de plus en plus avili, ennuyeux, qui n’a plus aucun sel, plus aucune grandeur, plus rien de la joute chevaleresque entre deux territoires qui s’affrontent pacifiquement dans un combat policé et esthétique.

Cette atrocité n’est donc bonne ni pour les soutiens qui sont les dindons de la farce sans saveur, ni pour les territoires puisque ce spectacle n’a rien de durable et ne crée aucune histoire, ni pour les joueurs qui n’y sont plus que la matière première interchangeable.

Une vraie ligue de football populaire

Il faut donc laisser les imbéciles suivre ce truc dans des ligues fermées où les télévisions leur vendent de plus en plus difficilement1 un spectacle de plus en plus standardisé.

Il ne faut pas nous battre pour interdire quoi que ce soit : temps qu’il y a des pigeons, il faut des gens pour leur vendre des graines. Mais il faut faire secession par le bas et exiger (en même temps que le faire en acte, avant même toute autorisation du monde bourgeois qui n’y a aucun intérêt et n’acceptera qu’une fois qu’il a vu comment le récupérer) la création de Ligues populaires de football.

Des soutiens de Manchester, en Angleterre, ont, par exemple, décidé en 2005 d’arrêter de payer leurs abonnements au fameux Manchester United pour créer leur propre club, le FC United of Manchester, quitte à le voir évoluer en septième division anglaise plutôt que de voir un club en Premier League et éventuellement en Ligue des Champions. Leurs maillots n’ont pas de publicités et ils le vendent à moitié prix d’un maillot du football-marques !

Pour distinguer ces ligues populaires des ligues officielles de la République françaises, celles de la Fédération Française de Football (FFF) pour les amateurs et de la Ligue de Football Professionnel (LFP) pour les professionnels, il faut que les règles soient différentes.

Ainsi nous proposons deux grands principes.

Des clubs possédés par leurs soutiens

Premièrement, que 51% minimum du club – association privée qui n’est pas un bien public financé par la ville – soit possédé par les soutiens, à raison de 5% maximum par individu ou entité, afin d’éviter une prise de pouvoir privé. Les clubs seraient donc des associations gérées par leurs soutiens locaux et populaires, dirigés par les notables du coin mais jamais au point d’être seuls dirigeants pouvant réaliser tous leurs caprices au mépris des soutiens populaires qui forment la base des gens qui remplissent le stade et suivent l’équipe à l’extérieur.

Des joueurs locaux

Deuxièmement, 80% des joueurs de l’effectif de l’équipe 1 doivent avoir été formés dans la région. Ainsi, le joueur n’est pas un esclave qu’on achète de n’importe où, qu’on forme pour la consommation quelques années des soutiens locaux puis qu’on revend, mais un enfant du coin, qui connaît le territoire, le club et les gens pour qui il joue, on en connaît souvent sa famille de près ou de loin, on l’a parfois côtoyé nous-mêmes, et il restera dans la région une fois sa rapide carrière terminée une fois passé la trentaine.

Le reste est du ressort de chaque club

Nous ne voulons pas donner pour le moment plus de règles. Les règles du jeu seraient les mêmes qu’en football moderne, moins tout l’aspect technologique qui détruit le jeu dans le stade pour mieux l’offrir aux caméras et aux télévision.

La gestion des clubs seraient laissée à l’appréciation et à la co-direction de chaque club, à savoir comment ils nomment les différents postes de l’organigramme (via un vote pour le président, par exemple, comme au FC Barcelona), si les soutiens peuvent voter pour les maillots de l’année suivante ou si ceux-ci sont imposés par la direction, etc.

Photo d’entête : “IMG_3095A” par Kevin Shipp

  1. Comme pour l’engrais chimique à la terre arable, le spectacle assèche et détruit à terme tout ce qu’il touche… Il faut donc augmenter les doses, toujours et encore, pour susciter un intérêt toujours de plus en plus dur à obtenir, jusqu’à l’écroulement du système et sa réinitialisation dans des nouveaux projets encore plus fous, encore plus grands, etc. Ça n’a de limite que la bêtise des gens…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *